Balade vénitienne
Partir à la découverte de la troisième édition de la biennale des métiers d’art organisée par la Michelangelo Foundation for Creativity and Craftsmanship, a été l’occasion de découvrir le savoir-faire d‘artisans d’art venus du monde entier et sélectionnés avec soin.
Ce but avoué s’est doublé du plaisir de déambuler dans les ruelles et sur les places de la mythique cité de Venise et de pénétrer dans plusieurs musées que cet article se propose également de vous faire découvrir.

Le salon Homo Faber
Inaugurée en 2018, Homo Faber est une initiative qui réunit tous les deux ans et durant un mois la fine fleur des artisans créateurs du monde entier sur l’île San Giorgio, située juste en face de la place Saint Marc.
Le thème retenu cette année « The Journey of Life », se décline en dix tableaux qui mènent le visiteur de l’enfance à la mort. La matérialisation de notions symboliques comme le rêve, le voyage, la nature ou l’amour enrichit chaque salle d’exposition, donnant vie à ce fil rouge, et invitant chacun à découvrir comment les artisans matérialisent ces concepts au travers de leur art.
Dès l’entrée l’immersion dans le salon est spectaculaire : Le visiteur entre par le cloître qui apparaît dans toute sa beauté. Sous les arches, des tissus pailletés se déclinent dans un camaïeu de rose et de rouge, pour mieux mettre en valeur un gigantesque et fantasmagorique jeu de l’oie qui se veut une analogie de la vie, de ses peines et de ses joies. 60 panneaux brodés ont été élaborés par 20 ateliers spécialisés à travers le monde. Chacun présente des savoir-faire uniques au travers de techniques de broderie venues du Mexique, du Rwanda, d’Afghanistan, de Corée, de France, du Japon, d’Australie, … mêlant fils, laines, perles, rubans ou fils d’or, pour un résultat qui ne peut qu’émerveiller le visiteur.

Dans la salle « Enfance » des jouets nous renvoient à notre jeune âge, alors que la salle « Amour » hypnotise le visiteur de ses compositions aériennes et lumineuses. Dans la section « Célébration » une inimaginable salle de banquet couverte de pièces d’art éblouissantes nous rappelle les joies terrestres. L’espace « Héritage » quant à lui célèbre la notion de transmission : transmission des savoirs, mais aussi des savoir-faire. De la salle « Rêves », plongée dans une presque quasi obscurité émergent des masques plus fantastiques les uns que les autres et des silhouettes qui semblent voler au-dessus d’un bassin. Les majestueuses œuvres exposées dans la salle « nature » sont exécutées à partir de bois, de paille, de plumes, de cuir et autres fibres pour nous rappeler la diversité, la richesse mais aussi la fragilité de ce qui fait la beauté de notre planète.

Et, partout, des artisans proposent des démonstrations de leurs savoir-faire. Des stands sont en effet installés au fil des salles, mettant en lien curieux et artisans d’art en pleine création. Qu’il s’agisse d’horlogers, de bottiers, de joailliers, de mosaïstes ou de vanniers, ces artisans nous rappellent que derrière des pièces d’exception se cachent toujours des mains expertes au savoir-faire unique. Et afin de vraiment toucher du doigt l’excellence de l’artisanat d’art, la Maison Lesage invitait même cette année les visiteurs à participer à une œuvre collective gigantesque qui sera exposée en fin d’année à la Galerie du 19 M à Paris, à l’occasion du centenaire de cette emblématique Maison.
Ainsi se termine cette première étape d’un voyage au pays du Beau où se sont côtoyés durant un mois 800 objets, 105 savoir-faire et 400 artisans créateurs venus de 70 pays différents, pour le plus grand bonheur de visiteurs éblouis.

Le musée du Palais Mocenigo, Musée de l’histoire du tissu, des costumes et des parfums.
Pour visiter le Musée du Palazzo Mocenigo, il faut se diriger au sud du Grand Canal.
Ce lieu réserve une belle surprise : autrefois résidence de l’une des plus illustres familles vénitiennes, ce palais construit au XVIème siècle et agrandi un siècle plus tard héberge aujourd’hui le musée de l’histoire du tissu, du costume et du parfum.
Le parcours s’articule autour d’une vingtaine de salles situées à l’étage. Dans la première, quelle ne fut pas notre surprise de nous trouver face à un groupe d’une dizaine de dentelières au fuseau en plein travail.
La visite permet ensuite de déambuler dans des salles, salons et alcôves richement décorées de lustres, miroirs, meubles, verres de Murano et dentelles de Burano.
Des mannequins portant des vêtements précieux et des accessoires anciens dévoilent des tissus façonnés, ornés de broderies et de dentelles, montrant à voir le savoir-faire des artisans de l’époque ainsi que l’élégance raffinée et luxueuse qui a fait la renommée des Vénitiens. En particulier, une superbe collection de gilets masculins finement brodés attire le regard, tout comme les costumes retraçant le périple de Marco Polo le long de la route de la soie.
La visite invite ensuite à entrer dans l’univers du parfum : Une salle présente le laboratoire de l’ancien muschiere (parfumeur), où alambics et récipients évoquent l’alchimie. Une autre expose sur une longue table et dans des bocaux en verre les fragrances indispensables à la préparation des parfums. La promenade se termine enfin par une exposition de flacons, tous plus délicats les uns que les autres.

Le Palazzo Giustinian, musée du verre de Murano
Situé au nord de Venise, sur l’île de Murano dont il est un passage incontournable, le musée du verre fut créé durant la seconde moitié du XVIIIème siècle dans l’ancien diocèse de Murano.
Le musée conserve la plus grande collection de verre vénitien au monde et propose au visiteur un parcours chronologique qui débute à l’époque romaine et déroule sept siècles d’art verrier, la dernière salle et les expositions temporaires faisant la part belle à l’art contemporain.
Le musée de Murano retrace ainsi l’histoire d’un art qui vers le milieu du XVème siècle et grâce au génie de l’artiste et scientifique Angelo Barovier connut une révolution que l’on appellera plus tard le « cristal vénitien ». Une merveilleuse coupe de mariage en verre bleu, décorée par ce maître verrier (1437) occupe d’ailleurs une place de choix dans l’une des salles du musée.
Tout au long de son histoire, le verre de Murano se distinguera par son inventivité et sa capacité d’innovation, produisant une profusion de pièces aux formes et couleurs variées. Ainsi le musée expose-t-il un magnifique jardin à l’italienne miniature, très en vogue au XVIIIème siècle, tout en verre avec ses statues, colonnes, fontaines, arcs et même pots de fleurs, reproduisant avec minutie le jardin d’une villa vénitienne.
Au XXe siècle, le verre de Murano continue à tracer sa route de créativité en se renouvelant grâce à la collaboration affichée avec de grands artistes, peintres et designers contemporains dans le but de produire des pièces d’exception.

Enfin, Une salle entière expose les célèbres perles de Murano. Celles-ci, destinées au marché italien et européen étaient aussi exportées jusqu’en Afrique, en Inde ou en Amérique.
Les couleurs et motifs ornementaux dépendaient bien sûr de la mode du moment. Les grosses perles étaient soufflées au chalumeau. Les plus petites, destinées aux broches, épingles à cheveux ou autres boucles d’oreilles étaient travaillées suivant une technique héritée des phéniciens puis des romains : à l’aide d’un chalumeau et de baguettes de verre perforées, l’artisan faisait rouler la baguette de verre sur un bronzino, sorte d’étagère métallique permettant de refroidir légèrement le verre afin de lui donner une forme cylindrique. Chaque type de perle porte un nom : Conterie, petite perle unicolore, Rosetta, perle aux couleurs vives qui s’entremêlent géométriquement, Millefiori, perle de verre colorée incrustée d’une multitude de différents motifs floraux, etc.

Le musée est également entouré d’un charmant jardin où le visiteur qui s’est offert entre les murs du Palazzo Giustinian un voyage unique à travers le temps peut également admirer des pièces contemporaines, entourées par les fenêtres gothiques du palais, restées telles qu’elles étaient à l’époque de sa construction.
Le musée del Merletto, musée de la dentelle de Burano
Située au nord de la lagune, l’île de Burano est un petit joyau multicolore dont les maisons vivement colorées se reflètent dans les canaux. C’est aussi l’île où l’art de la dentelle à l’aiguille, présente à Venise au moins depuis le XVe siècle, reste jusqu’à nos jours la spécificité de ce petit bout de terre vénitienne.

Le musée, qui retrace cette histoire que la légende fait remonter à la nuit des temps, est situé dans le palais historique du Potestat de Torcello qui abrita de 1872 à 1970 l’Ecole de dentelle de Burano.
Dès le début du parcours, le visiteur est plongé dans l’univers fascinant de la dentelle. Des panneaux explicatifs révèlent les secrets d’une technique particulièrement complexe alors que les salles suivantes respectent l’ordre chronologique d’un savoir-faire hors du commun.
Au XVIème siècle, Venise devient l’un des centres mondiaux de cet art, guidé par des femmes nobles qui ouvrent dans leurs palais de véritables écoles dédiées à ces techniques. L’exposition donne ainsi à voir de splendides ouvrages dont les dentelles d’une finesse incroyable ornaient à l’époque les vêtements tant masculins que féminins, ainsi que les habits ecclésiastiques ou le linge de maison de riches propriétaires.

Les deux siècles suivants voient l’apogée de la dentelle, qu’elle soit à l’aiguille comme à Burano ou aux fuseaux, spécialité de Pellestrina, avant que la crise dictée par les changements sociaux et les codes vestimentaires des XIXème et XXème siècle entraîne une baisse drastique de la demande, la dentelle disparaissant presque totalement des vêtements.
Aujourd’hui, il est encore possible de croiser au coin de certaines ruelles de Burano ou dans des boutiques des dentelières qui continuent de perpétuer cet art aussi délicat que fascinant.

Ainsi se termine ce vagabondage empli de découvertes inouïes, dans des lieux chargés d’une histoire extraordinaire, où l’exposition de pièces et de savoir-faire hérités du passé côtoient avec bonheur des créations contemporaines. Merci Venise !
