Lorsque nous avons cherché à baptiser l’espace dédié aux métiers d’art que vous découvrez depuis quelques jours, le nom de Plumarium nous est venu naturellement. Ce n’est que plus tard, au fil de nos lectures et de nos recherches, que nous avons découvert que ce mot si gracieux revêtait une signification étonnante, ancrée dans le temps…. Et surprise ! à l’exacte croisée de nos deux passions : la plume et la broderie.
C’est l’histoire de ce mot que nous nous proposons de partager avec vous.
Les origines
L’art de broder remonte à la nuit des temps.
La mythologie grecque en attribuait l’invention à Athéna, qui excellait dans l’art de tisser les étoffes et de les orner de broderies merveilleuses.
Quant à Pline l’Ancien, il accorde l’invention de la broderie aux Phrygiens, installés en Asie Mineure. La qualité de l’élevage des moutons et de ce fait des laines phrygiennes expliquait pour lui le développement de la broderie dans cette région.
Cependant, l’art de la broderie était connu dans la plupart des pays orientaux durant l’Antiquité, et rien n’autorise à penser que le mérite de l’avoir découvert revient aux seuls Phrygiens. Pour exemple, sur les monuments figurés de l’Égypte, les vêtements des Pharaons sont bordés de palmettes, de feuillages, de dessins d’animaux ou de divinités qui devaient être appliqués à l’aiguille sur l’étoffe.
Faute de termes assez précis et clairs, les textes anciens ne font pas toujours nettement la différence entre la broderie, où l’on applique des fils de couleur sur un fond préalablement tissé, et la tapisserie, où le dessin est ouvré en même temps que le fond. Et concernant l’art de la broderie, les romains utilisaient deux termes :
Ils entendaient par phrygium la broderie à points croisés, qui correspondait à un dessin en pointillés, et par plumarium opus la broderie à points plats, originaire peut-être de Babylone.
S’il est certain que le mot plumarius désignait un brodeur et non un tisserand, le sens de ce terme a fait l’objet d’abondantes théories de la part des savants des siècles passés :
Le bénédictin Augustin Calmet (1672-1757), dans son dictionnaire encyclopédique de la Bible rapporte que l’on en retrouve des traces dans l’Ancien Testament où l’Opus plumarium désigne un ouvrage de plumes en broderie.
En 1751, un article du docteur en médecine Louis de Jaucourt (1704 – 1779) paru dans l’Encyclopédie de Diderot, et plus tard, un paragraphe du Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio (1877-1919), notent que l’expression plumarium opus fut inventée à cause de la ressemblance que présentent des fils de couleurs parallèles et symétriquement disposés avec les fibres des plumes d’oiseaux. L’exemple donné est celui d’une broderie dessinée sur le diptyque du consul Basilius qui donne l’illusion de plumes superposées symétriquement comme des écailles.
Au XIXème siècle, l’architecte Gottfried Semper (1803- 1879), souligne que la plus ancienne broderie chinoise en couleurs a été exécutée à partir d’étoffes et de plumes. Il précise que si la notion d’opus plumarium n’impliquait pas nécessairement la présence de ces plumes, elle désignait par contre une variété de broderie à plat, restée de nos jours très appréciée des chinoises.
D’autre part, la mention récurrente des plumes dans les textes indique clairement que ces dernières étaient employées dans la réalisation de broderies. La broderie à plat était donc bien à l’époque un opus plumarium au sens strict du terme.
La trace la plus ancienne de broderie en Chine date de la dynastie Shang (1700-1100 av J.C).
Et aujourd’hui ?
De nos jours, le plumarium opus directionnel désigne une forme simplifiée de peinture à l’aiguille qui utilise moins de couleurs que la technique basée sur le passé empiétant (aussi appelée broderie couleur).
Rebaptisé point Kensington par la Kensington School of Art Embroidery (aujourd’hui Royal School of Needlework) qui en a relancé la pratique à la fin du XIXème siècle, le plumarium opus directionnel est décrit comme une forme de point long et court,
également connu sous le nom de broderie solide.
Sources
Isabelle Kalinowski, « Opus plumarium : Gottfried Semper et l’art chinois de la juxtaposition des couleurs », Revue germanique internationale [En ligne], 26 | 2017,
URL : http://journals.openedition.org/rgi/
http://dagr.univ-tlse2.fr/ Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg
et Saglio
Déjà beaucoup de belles choses sur ce nouveau site! Félicitations à ses créateurs /créatrices, merci de nous faire ainsi découvrir et partager vos passions, et que le Plumarium se pare de succès!
Merci Karine pour cet intérêt porté à notre site. D’autres articles viendront très vite.
La tête et les mains …. ensemble indissociable . Merci pour ce texte. Bises, Martine.
Merci Martine. Je suis heureuse qu’il te plaise.
Bien documenté et très bien écrit
Bravo
Merci!
Très bel article Catherine ! Hâte de lire les autres !