Qu’appelle-t-on lecture d’été ou « livre de vacances » ? Un polar ? Un bouquin au thème léger, facile à lire et que l’on peut emmener partout avec soi ? S’agit-il de dévorer les ouvrages que l’on a accumulés durant l’année et sur lesquels on n’a pas eu le temps de se pencher ?
Lire l’été est-ce se donner le temps de découvrir autre chose ? Mais alors quoi ?
Dans l’ombre d’une pièce aux volets tirés, sous un parasol en bord de mer, sur un banc à l’ombre d’un arbre ou dans la fraicheur d’une forêt, l’été est la saison de tous les possibles pour le lecteur.
C’est pourquoi cette année encore, nous vous proposons de découvrir des essais, des romans contemporains mais aussi des classiques qui tous racontent ou utilisent comme fil rouge le monde du luxe ou celui de l’artisanat d’art.
Levez le voile sur les dessous de l’univers du luxe ou laissez-vous surprendre par l’histoire d’une amitié sincère entre le discret jardinier Le Nôtre et le flamboyant Roi soleil. Plongez dans un conte fantastique mettant en scène un horloger ou choisissez de suivre la fabuleuse destinée d’un sculpteur de génie dans les années du fascisme italien. Vivez le destin hors normes de Tomi, de l’univers concentrationnaire aux défilés de haute couture, ou celui, tout aussi extraordinaire d’une jeune étudiante des Beaux-Arts qui quitte tout du jour au lendemain pour aller chercher, seule, au fin fond de la Chine communiste, les secrets oubliés de l’art pictural et calligraphique antique chinois dévasté par la Révolution culturelle. Enfin, ouvrez vos enfants (ou petits-enfants) à la découverte des secrets d’un grand maître du dessin.
Quel que soient vos choix, nous vous souhaitons beaucoup de plaisir à la lecture de cette sélection d’ouvrages qui, pour notre part, nous ont tous ou interpellés, ou véritablement touchés.
Bonne lecture !
Portrait d’un homme heureux : André Le Nôtre, 1613-1700.
Eric Orsenna/ Gallimard/Folio /2002

Entre Louis XIV et André Le Nôtre., c’est l’histoire d’une amitié aussi extraordinaire qu’improbable qui se noue et durera 35 ans. Pourtant, tout sépare les deux hommes : D’un côté, le Roi soleil, monarque puissant à qui tout doit céder. Face à lui, l’homme de la terre, discret et humble qui reste du côté de la nature, même s’il la force comme personne avant lui.
Pourtant, de leur admiration réciproque et de leurs conversations quotidiennes émergera de mille hectares de terres marécageuses, le parc du Château de Versailles.
Par cette lecture, offrez-vous une agréable plongée dans le Versailles de Louis XIV et déambulation dans un jardin extraordinaire. Facile à lire et bien rythmé, ce livre est un hymne au travail bien fait et à l’amitié sincère qui peut engendrer des merveilles…
La calèche
Jean Diwo/ L’ai Lu (n° 9984) /2021

Comment passe-t-on de l’artisanat au sommet du commerce de luxe ?
Dans cette biographie très romancée du fondateur de la maison Hermès, Jean Diwo nous embarque dans une épopée qui débute au début du XIXème siècle. Des campagnes de Napoléon jusqu’à l’aube du XXe siècle, il nous raconte la saga d’une dynastie qui s’est construite sur trois générations et qui aujourd’hui symbolise le luxe à la française.
Le jeune Thierry Hermès, talentueux sellier quitte Crefeld près de Cologne après le décès de ses parents pour s’installer à Paris où naîtra la légende Hermès. Très vite, cet artisan d’excellence se fera connaître pour son travail du cuir, qu’il s’agisse de l’équipement de calèches ou de la fabrication de selles très prisées par les nobles cavaliers.
Dans ce roman et avec le talent qu’on lui connait, Jean Diwo nous entraîne dans le monde de la sellerie haut de gamme. On baigne dans le cuir de Russie, l’’atmosphère de l’atelier d’un sellier, les points de couture, les chevaux, les carrosses…
Une grande fresque romanesque et un agréable moment de lecture.
Veiller sur elle
Jean-Baptiste Andrea/ éditions de l’Iconoclaste / Prix Goncourt 2023

Au travers de ce conte extraordinaire, Jean- Baptiste Andréa nous entraîne dans le sillage de Michelangelo, dit Mimo et de Viola Orsini, que rien n’aurait amener à se rencontrer dans le fracas et le chaos de l’Italie du début du vingtième siècle.
Lui, né pauvre, est confié en apprentissage à son oncle sculpteur de pierre alcoolique et sans grand talent. Elle, naît dans la famille la plus puissance de Ligurie.
Et pourtant, au grand jeu du destin, ce sculpteur de génie et cette héritière d’une famille prestigieuse vont se reconnaître au premier regard et se jurer de ne jamais se quitter. Sans pouvoir partager leur vie ni rester longtemps loin de l’autre, ils traverseront ainsi les années de fureur d’un pays qui bascule dans le fascisme.
Ce roman entraine le lecteur dans une déferlante d’émotions renforcées par la description majestueuse de décors italiens sur un arrière-plan historique, toujours présent mais jamais pesant.
Un très beau roman qui ne laissera personne de marbre.
Où passe l’aiguille
Véronique Mougin/ 2018/Flammarion/J’ai lu

Encore la guerre, la déportation, les camps, me direz -vous …. Oui, certes, mais cette histoire vraie, en plus d’imposer le respect et la retenue est un tout d’abord un hymne à la force de vivre.
Dans cette histoire qui impose le respect et dont la couture, magnifiquement évoquée, est le fil rouge qui lie ce savoir-faire à la pulsion de vie, Véronique Mougin rend un superbe hommage à son cousin Tomas (dit Tomi), gamin débrouillard, impertinent et pugnace, déporté à l’âge de 14 ans. Affecté à l’atelier de réparation des uniformes rayés alors qu’il ne sait pas enfiler une aiguille, Tomas y découvre le travail des doigts habiles des tailleurs. À leurs côtés, l’adolescent apprendra le métier, qui le conduira au sommet de la mode française, de la baraque 5 aux défilés de haute couture.
Une superbe lecture !
Passagère du silence
Fabienne Verdier/Albin Michel/2003/Le livre de Poche

C’est une véritable expérience de vie, faite de passion pour la peinture chinoise classique et la calligraphie chinoise auprès des derniers maîtres vivants à laquelle nous invite Fabienne Verdier, artiste peintre dont on retrouve les œuvres dans de nombreuses collections à travers le monde.
Au début des années 1980, cette étudiante à l’école des Beaux-Arts de Toulouse quitte tout pour aller chercher, seule, au fin fond de la Chine communiste, les secrets oubliés de l’art antique chinois. Dans un oubli total de l’Occident, elle devient l’élève de très grands artistes méprisés et marginalisés qui l’initient aux secrets et aux codes d’un enseignement millénaire. Affrontant tous les obstacles, des difficultés de la langue à la méfiance des chinois, la misère et la saleté ambiantes, en passant par les contraintes liées au régime en place, l’artiste nous entraîne dans un récit d’aventures aussi passionnant qu’envoûtant.
Un récit initiatique passionnant.
Haute couture
Colette Maciet/ 2024/ Michel Lafon

Dans ce livre de souvenirs, nous suivons le parcours extraordinaire de Colette Maciet, dont le destin se scelle à l’âge de 14 ans, lorsque presque par hasard, elle choisit la couture, sans se douter un instant que son avenir sera intimement lié à l’histoire de la mode.
Elle deviendra en effet au fil du temps l’indispensable couturière des plus grands créateurs, de Coco Chanel à Karl Lagerfeld, mais aussi de Monsieur de Givenchy à Yves Saint Laurent et Galliano…). De petite main à Première d’atelier, sa vie épousera tous les méandres, évolutions et succès de la Haute Couture française et se son univers exigeant.
Face aux créateurs et aux stylistes parmi les plus grands, c’est elle qui possède le savoir-faire, interprète l’inventivité des couturiers et donne vie à leurs créations.
C’est ce destin extraordinaire, taillé à force de talent et de travail qui vous est raconté dans ce livre, ouvrant les coulisses d’un monde que l’on imagine étincelant.
Un témoignage captivant.
Le plus beau métier du monde
Giulia Mensitieri/ 2019/ Editions La découverte

Dans cet essai, l’anthropologue Giulia Mensitieri nous offre une étude décapante sur l’une des plus puissantes industries du monde : celle de la mode.
Image étincelante du capitalisme et du savoir-faire à la française, elle occupe une place de choix dans les médias et les imaginaires. Pourtant, et c’est ce que révèle ce livre, elle repose majoritairement et à tous les niveaux sur le travail précaire, tant pour ce qui dépend des ateliers des maisons de couture que pour les productions externalisées.
Des séances de ” shooting ” pour magazines spécialisés à la collaboration auprès des créateurs de mode, cette enquête très fouillée dévoile la réalité du travail des « petites mains » qui œuvrent dans l’ombre et trop souvent dans la précarité au nom de la participation à une industrie de prestige qui promet à ces travailleurs un miroir aux alouettes leur promettant reconnaissance et visibilité.
Un livre particulièrement instructif qui fait tomber les fausses représentations que le public a du milieu de la mode et du luxe.
Lacrima
Caroline Guiela Nguyen/ 2024/ Actes Sud
Théâtre

Paris, 2025. Une prestigieuse maison de couture reçoit une commande de premier ordre : confectionner la future robe de mariée de la princesse d’Angleterre.
C’est donc au départ l’histoire d’une robe d’exception que nous raconte l’auteur. Mais très vite les histoires pleines de larmes des petites mains qui travaillent à ce projet dans le secret de leurs ateliers prend le pas sur la création de cette robe digne d’un conte « des mille et une nuits » Elles sont couturières à Paris et dentelières à Alençon ; lui est brodeur à Mumbai. Ils parlent anglais, français ou tamoul et racontent dans ce texte le travail sous pression et la vie qui ne sourit pas.
A la façon d’un conte fantastique, ce texte fort tisse au fil des pages le destin croisé de ces invisibles, qui chacun dans leur atelier et aux quatre coins du globe se trouvent liés par la confection d’une robe de haute couture.
Caroline Guiela Nguyen, auteure, metteuse en scène et directrice du Théâtre national de Strasbourg nous offre ici un récit à plusieurs voix sur la face cachée de l’industrie de la mode.
Maître Zacharius ou l’horloger qui avait perdu son âme
Jules Verne/ 1854/ Édition de poche/2005

Dans cette œuvre de jeunesse restée confidentielle, Jules Verne compose un conte fantastique où un horloger perd son âme à vouloir repousser les limites de la science, donc du réel.
Maître Zacharius, vieil horloger de genevois, est un ouvrier minutieux qui a consacré sa vie à faire des montres et à perfectionner leur mécanisme.
Mais la rumeur dirait-elle vrai ? Maître Zacharius abandonnerait-il un peu de son âme dans chacune de ses géniales créations ?
Alors comment alors ne pas s’effrayer lorsque toutes les montres qu’il a fabriquées se dérèglent et s’arrêtent. Il a beau les démonter, examiner les rouages, les remonter, les aiguilles restent mystérieusement immobiles. Et pour chaque horloge qui s’arrête son cœur s’épuise. Celui dont la « vie se confond avec celle de ses horloges » se sentant alors menacé de mort, il fiance sa fille avec son apprenti afin de lui assurer un avenir. Mais c’est sans compter sur l’intervention de Pittonaccio… un drôle de personnage.
Un court récit que l’on pourrait pourrait appeler un conte philosophique et dont la morale est assez claire : maudits soient les hommes qui se prennent pour Dieu…
Le vieux fou de dessin
François Place/ Folio Junior/2008

Le décor de ce roman jeunesse se déploie dans le Japon du XIXème siècle où Tojiro, petit vendeur de rues, rentre au service d’un vieillard fantasque, génie du dessin, qui ébauche toute la journée des lions-dragons, des ponts suspendus, des saules qui pleurent… Il s’agit de Katsushika Hokusai, le plus grand artiste japonais, le maître des estampes, l’inventeur des mangas. Fasciné par le talent du maître, Tojitro devient son apprenti et son ami.
Ce texte, à la fois simple, léger et instructif, porté par les mots et les illustrations de l’auteur, à la fois talentueux dessinateur et conteur, entraîne avec bonheur le jeune lecteur dans une découverte de la lecture, du dessin, de la calligraphie et de la gravure.
Destiné aux enfants à partir de 9 ans.