Exposition « Cabarets! » : Une réjouissante déambulation au pays des paillettes et des plumes

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  • Publication publiée :4 février 2024

Le Centre National du Costume et de la Scène de Moulins (CNCS) est situé dans un ancien bâtiment militaire du 18eme siècle à l’architecture exceptionnelle. Cette caserne de cavalerie dont la construction s’échelonnera durant un siècle, se présente sous la forme d’un vaste bâtiment flanqué de deux ailes en équerre encadrant une place d’armes aux dimensions imposantes.

La longue histoire de cet emblème de la ville se solde en 1981 par son abandon et un projet de démolition. Mais la mobilisation des moulinois permet en 1984 de sauver in extremis la caserne, avant qu’en 1994 le ministère de la culture décide de transformer le bâtiment en un Centre national du costume et de la scène.

Véritable hommage au spectacle vivant, le CNCS, dont le fond compte plus de 10.000 costumes, met ainsi en scène depuis presque 20 ans (2006) des collections permanentes (Collection Noureev) et temporaires qui toutes représentent un véritable hommage au spectacle vivant quel qu’il soit.

Le Centre national du costume et de la scène à Moulins
https://cncs.fr/

L’exposition « Cabarets ! »

L’exposition « Cabarets ! » présente un vaste panorama de l’univers des cabarets contemporains. Dédiée aux costumes actuels, elle invite le visiteur à découvrir l’inimaginable création qui anime les grandes maisons de cabaret et de music-hall d’aujourd’hui, qu’il s’agisse de lieux mythiques comme le Lido, le Moulin-Rouge, le Crazy-Horse ou le Paradis Latin, mais également les cabarets dits « indisciplinaires ». Ceux-ci échappent à toute définition susceptible de les figer mais leurs costumes, confectionnés par les mains expertes d’artistes indépendants, habillent avec élégance et insolence des créatures aussi fantasques qu’éblouissantes.

Le Cabaret, d’hier à aujourd’hui

Le cabaret, né au 19eme siècle, puise ses origines dans les cafés concert et présente des sources communes avec le Music-Hall et le cirque. Cet art typiquement français possède une spécificité bien à lui : Le spectateur, en profitant du spectacle pour dîner ou boire un verre, modifie par là même le contexte dans lequel il profite du divertissement, participant en quelque sorte lui-même de l’ambiance et du contexte du spectacle.

Hier comme aujourd’hui, le cabaret draine un univers où cohabitent paillettes, strass, musiques entraînantes et artistes flamboyants. Certaines maisons comme le Lido ou le Moulin Rouge jouent de leur passé mythique, alors que d’autres spectacles s’affirment dans le paysage de la création contemporaine en mettant en avant la liberté d’expression et l’émancipation. Ainsi en est-il du Freak (pratique artistique consistant à se créer et incarner une autre identité), du Drag ou des spectacles transformistes. C’est dans les coulisses de ces univers multiformes et protéiformes que nous fait entrer l’exposition « Cabarets ! » du CNCS de Moulins.

Plonger dans le monde féérique du cabaret

Le CNCS, comme dans chacune de ses expositions, fait pénétrer le visiteur dans un contexte proche de la réalité du thème présenté.

La salle du foyer tout d’abord, espace où les artistes viennent saluer le public, nous invite à entrer par la grande porte d’un univers de divertissement stupéfiant où l’extravagance n’est jamais très loin. Comme dans la réalité, le promeneur est accueilli en musique dans ce premier espace. Des affiches partout sur les murs offrent un panorama de maisons et d’artistes mythiques du Music- hall et du cabaret. On y croise ainsi Mistinguett, Jeanne Avril et Joséphine Baker ; on découvre les affiches de lieux emblématiques comme Les Folies Bergères, le Crazy Horse, le Moulin Rouge ou Chez Michou, mais aussi des illustrateurs et peintres notoires comme Théophile Alexandre Steinlen (l’affiche du « chat noir », emblème de Montmartre) ou Henri de Toulouse Lautrec.

Affiche pour le cabaret Chez Michou/ ©C. Monplaisi

Un peu plus loin les costumes de quelques égéries accueillent le visiteur. On retrouve ainsi la chanteuse Barbara tout de noir vêtue, la meneuse de revue Line Renaut en robe lamée or et coiffe de plumes, le « roi » des nuits parisiennes Jean Marie Rivière, Dalida ou Michou, l’éternel homme en bleu, …

Détail de la tenue de Line Renaud/
©C. Monplaisi

Juste après le foyer, le promeneur pénètre dans la loge de l’artiste. Cet espace, de forme ronde, surprend par la pénombre qui y règne. Espace d’intimité, la loge est le lieu où la vedette va se préparer, seule ou à plusieurs. EIle y stocke ses affaires personnelles, ses produits de maquillage, ses perruques et ses accessoires.

Le visiteur se faufile dans l’univers de la transformation et de la métamorphose de l’artiste qui en sortira maquillé, coiffé, plumé, scintillant de mille feux. Equipée de miroirs et d’ampoules, de tables, de chaises et de mobilier divers et varié, la loge fourmille souvent de petits objets, porte-bonheurs, souvenirs, photos et autres grigris personnels que l’artiste promène avec lui comme autant de talismans sensés le protéger.

La loge /© C. Monplaisi

Chacune des quatre vitrines suivantes est dédiée aux grandes maisons françaises du cabaret et du Music- hall.

La pièce emblématique du Paradis latin, un costume de Napoléon revu et corrigé, fait référence à l’histoire de ce cabaret, le plus ancien de la capitale. Le lieu, érigé par Napoléon en 1802 sera d’abord un théâtre où bourgeois, intellectuels, commerçants, ouvriers et étudiants se croisent.  Et ce n’est qu’à la fin du siècle (1889) que le Paradis Latin se transforme en l’incontournable lieu d’émerveillement et de distractions nocturnes qu’il est toujours aujourd’hui.

Le Moulin Rouge, créé la même année, demeure aujourd’hui encore le music-hall le plus célèbre au monde. Attrait incontournable de la vie parisienne, la revue « Féerie » y est à l’affiche depuis presqu’un quart de siècle. S’il est célèbre pour son incontournable French Cancan, le Moulin Rouge est également un lieu où se concentrent des savoir-faire perpétués par des artisans d’art à la dextérité inégalée depuis des décennies. Qu’il s’agisse de l’atelier de création du cabaret, de la maison Février, plumassier depuis 1929,de la maison Clairvoy, bottier depuis 1945 ou de l’atelier Valentin, brodeur depuis 2003, tous ont une double mission : fabriquer et restaurer les costumes et accessoires qui parent les artistes pour les deux revues quotidiennes jouées chaque jour de l’année.

Le costume “tomate” / Revue du Moulin rouge /© C. Monplaisi

La vitrine consacrée au Lido, cabaret créé en 1946, revient sur ce haut lieu de spectacle résolument tourné vers des arts de la scène absolument éblouissants, associant décors somptueux et univers féériques, costumes spectaculaires et prouesses technologiques.

Celle du Crazy Horse (1951) revient sur l’essence même du cabaret dont les spectacles, mêlant art, musique, danse et mode célèbrent la femme et la féminité. Les costumes du Crazy Horse, contrairement aux autres, soulignent les formes et les courbes du corps, parant les artistes avec élégance. Chaque élément est réglé aux mensurations exactes des danseuses, et confectionné de sorte à ne pas bouger sur scène. Les perruques au couleurs acidulées sont quant à elles coupées au carré, conformément à celles créées dans les années 1970 par le perruquier Rafaël.

Costumes du Lido/© C. Monplaisi  

Les 7eme et 8eme salles nous invitent chez Michou, véritable institution parisienne au cœur du quartier de Montmartre. Le visiteur y découvre un mélange hétéroclite de costumes emblématiques portés par les Michettes, personnages centraux de l’histoire du cabaret.  Ce haut lieu du transformisme, qui attire des spectateurs du monde entier, allie avec brio paillettes, costumes, chaussures, bijoux et maquillage. Ces accessoires sont élaborés pour que l’artiste, jonglant sur un vaste répertoire et jouant à la fois de sa silhouette, de sa gestuelle, de sa démarche et de son regard donne l’illusion au spectateur de se trouver face à Mistinguett, Barbara, Line Renaud ou Sylvie Vartan, sans oublier Blanche-neige ou le fantôme de l’opéra.

Michou, l’homme en bleu/
https://cncs.fr/

Passée la salle qui met à l’honneur les spécificités et les particularités du costume de scène, colonne vertébrale de la sublimation des corps et support des émotions, la déambulation se poursuit dans trois espaces où s’épanouissent autant de mondes fantasmagoriques :

L’univers du burlesque tout d’abord, avec l’art de l’effeuillage (à ne pas confondre avec le strip tease), où la prestation sur scène consiste pour l’artiste à se déshabiller de façon gracieuse et délicate grâce à des costumes très techniques, munis de trucs et astuces facilitant leur chute rapide dans un ordre cohérent, sans cesser de jouer, danser ou chanter.

Le freak permet pour sa part la rencontre avec la galaxie des monstres et des malformations physiques. Les costumes du cabaret contemporain entremêlent ici l’humain et l’animal, les âges et les cultures, le vivant et l’inerte. L’artiste, se parant de prothèses, d’ajouts et de faux-semblants, jongle avec les fantasmes du public et le plonge dans un rêve délicieusement loufoque.

La dernière vitrine rappelle au visiteur que le cabaret représente aussi l’univers du fantastique par excellence : A la croisée du cirque, du théâtre, de la chanson et de tant d’autres phénomènes artistiques, les créatures y sont irréelles, baroques, monstrueuses parfois, souvent attachantes et flamboyantes. Vêtues de tenues lumineuses aux couleurs aussi contrastées qu’hybrides, de coiffes et de coiffures surdimensionnées, de corsets et de costumes extravagants rehaussés de plumes, de paillettes, de broderies, mais aussi de strass ou de caoutchouc, ces artistes, à la fois humains et célestes mélangent les genres pour faire entrer le spectateur dans un univers tout en contradictions, le faisant pénétrer dans une réalité très éloignée de son quotidien.

Univers fantastique/© C. Monplaisi  

Le grand final

La visite se termine par une plongée dans une véritable salle de cabaret où rien ne manque : petites tables rondes, chaises, programmes, boules à facettes, et bien sûr une scène toute en majesté qui a dû représenter pour le scénographe un terrain de jeu quasi illimité.

Le spectacle proposé immerge le visiteur dans un univers visuel fait de lumières et de costumes, mais également sonore, avec la diffusion d’enregistrements qui donnent envie de participer à la fête et dont les mélodies le poursuivent bien après sa sortie du musée.

Ce cabaret reconstitué nous offre enfin un dernier tour de piste avec des artistes vêtus de splendides costumes où tous les styles et toutes les époques se côtoient :  Gabrielles à plumes et manteaux de plastique, robes à cancan et pantin en tutu, drag-clown en toile de Jouy, perles et sequins à foison, jusqu’à Arlequin qui, depuis son cerceau, exécute dans le ciel étoilé du cabaret un savant numéro de cirque.

En haut de l’escalier monumental, symbole même du music- hall, la meneuse de revue apparaît parée d’une pièce exceptionnelle. Ce manteau cape, mesurant 10 mètres de long sur 6 mètres de large et conçu à l’origine pour l’une des dernières revues des Folies Bergères n’a jamais été porté sur scène.

Mais dans ce décor plus vrai que nature, la mise en scène de cette pièce exceptionnelle éblouit le visiteur dans un dernier tableau absolument extraordinaire, avant qu’il ne retrouve la réalité de son quotidien, des étoiles plein les yeux.

Le cabaret et son grand escalier/© C. Monplaisi

Pour aller plus loin…

Pour en apprendre plus sur le CNCS et ses toujours merveilleuses expositions: https://cncs.fr/