La période des festivités de Noël avec ses légendes et ses traditions est marquée par de nombreuses coutumes dont certaines remontent à des temps immémoriaux. D’autres sont bien plus récentes, comme celle du calendrier de l’Avent née en Allemagne au XIXème siècle ou celle du Père Noël tel que nous le connaissons aujourd’hui, que des écrivains et dessinateurs américains habilleront de rouge, transformant le traditionnel saint Nicolas en vieux lutin capable de passer par le conduit de la cheminée.

Aujourd’hui, avant tout temps des retrouvailles familiales, du partage des cadeaux et de bons moments, la période de Noël est symbolisée par deux héritiers de traditions lointaines : le sapin décoré et ses boules colorées.
La lointaine coutume du sapin décoré
On retrouve la trace des premiers arbres de Noël décorés dès le XVIème siècle en Allemagne. Symbole de l’arbre toujours vert malgré l’époque stérile qu’est l’hiver et promesse du réveil de la nature au printemps, il est garni de confiseries, de pâtisseries rondes, de noix (signe de fécondité), de fleurs en papier, d’hosties consacrées (symbole du Paradis) mais également de fruits et particulièrement de pommes rouges ou d’oranges, expressions de prospérité, d’abondance et d’immortalité. Il traverse l’océan Pacifique pour faire son apparition en Amérique du Nord en 1781 lorsque la baronne allemande Frederika von Riedesel décore un premier sapin de Noël à Sorel, au Québec. En France, il faudra attendre la fin du XVIIIème siècle pour que le sapin prenne sa place dans les maisons juste avant Noël, la tradition voulant que les arbres ne soient pas coupés avant la Saint-Thomas, le 21 décembre.
Les premiers sapins, posés sur une table, sont installés dans les demeures bourgeoises, les décorations prenant la forme de rubans, de petits objets ou de friandises accrochées aux branches.

Lorsque le reste de la population fait sienne cette coutume, les pommes, fruits de saison bon marché, sont adoptées comme objet principal de décoration. Les raisons de ce choix sont doubles. Tout d’abord, des pommes rouges dans un arbre vert étaient du plus bel effet et ce contraste « vert pin » et « rouge pomme » demeure encore aujourd’hui dans la mémoire collective les couleurs de la Noël par excellence.
L’autre raison est la signification religieuse et profondément ancrée qui renvoie la pomme à l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal et au fruit défendu du récit biblique de la Genèse.
Aujourd’hui encore en Pologne, en Italie ou au Pays de Galles, les pommes sont utilisées comme décorations de Noël et de très nombreuses recettes de la période des fêtes sont réalisées à base de ce fruit.

Des pommes aux boules de Noël
La tradition raconte que la boule de Noël telle que nous la connaissons aujourd’hui serait née en 1858 en Lorraine à la suite d’une grande sécheresse qui aurait sévi dans les Vosges du Nord et en Moselle, détruisant les récoltes de pommes.
De cette pénurie privant les sapins de leur parure, naît chez un souffleur de verre de Goetzenbruck, village proche de Strasbourg et non loin de Meisenthal, l’ingénieuse idée de créer des boules en verre soufflé de couleur rouge pour remplacer les fruits, donnant ainsi vie à une tradition qui depuis, a traversé les siècles et les continents.
Cette belle histoire est cependant contestée par l’Allemagne qui affirme que la fabrication des boules de Noël en verre soufflé aurait débuté dix ans plus tôt dans une soufflerie située à Lauscha dans le land de Thuringe.
Quoi qu’il en soit, les deux légendes convergent vers la même création, pour le plus grand bonheur de générations de rêveurs que les sapins scintillant de boules colorées emplissent chaque année de joie et de bonheur.
Il faudra attendre la révolution industrielle de la fin du XIXème siècle, l’arrivée du gaz dans les usines et le perfectionnement de la technique de fabrication pour que les boules commencent à être fabriquées en série. Elles sont alors recouvertes de nitrate d’argent ou de mercure afin de leur donner la brillance nécessaire pour refléter parfaitement la lumière. D’autres sont églomisées, suivant une technique qui remonte à l’Antiquité et qui consiste à fixer une mince feuille d’or ou d’argent, de nitrate ou de mercure sous la couche de verre, qui devient à la fois support et protection de la gravure effectuée sur la boule.
La fin du XIXème siècle voit également émerger des ateliers de Limoges de délicates boules de Noël en fine porcelaine qui éclairent les sapins de leur blancheur.

La tradition des boules en verre soufflé, dès lors enracinée en Alsace et en Allemagne va se répandre à travers l’Europe. Ce sera en particulier le cas au Royaume Uni où la reine Victoria attacha toute sa vie une grande importance aux célébrations de Noël et à la féérie de cette période de l’année.
Puis les Etats Unis à leur tour adoptent cette coutume. La production de masse des boules débute, en même temps qu’évolue la signification de l’objet, qui passe du symbole de fruit du Paradis à celui de lumière de Noël, synonyme de joie et de festivités de fin d’année.

Face à cet engouement, la verrerie de Goetzenbruck, accroit son activité jusque dans la première moitié du XXème siècle, passant de 80 000 pièces dans les années 1930 à 200000 en 1950. Puis la cadence diminue progressivement, concurrencée par les productions automatisées et en série qui vendent leurs boules à prix très attractifs. La verrerie de Goetzenbruck ferme ses portes en 1964, suivie en 1969 par celle de Meisenthal, dépositaire des secrets de fabrication des boules de Noël traditionnelles.
La renaissance des boules artisanales
Mais c’était sans compter sur la motivation et l’acharnement d’une poignée d’habitants de Meisenthal, amoureux du patrimoine local qui vont se lancer, dix après la fermeture de la manufacture, dans la restauration de ses bâtiments.
Le Musée du Verre ouvre ainsi ses portes en 1983, constituant au fil des ans une collection exceptionnelle de 12000 références (pièces en verre, outils, documents historiques), incarnant la mémoire technique, artistique et sociale de l’aventure verrière de la région.
En 1992, le premier four de fusion du CIAV, Centre International d’Art Verrier est allumé, ouvrant une nouvelle ère où la modernité de notre époque côtoie la transmission d’un savoir-faire vieux de trois siècles.

https://ciav-meisenthal.fr/
Dans le cadre de ce projet, le CIAV a relancé depuis 1999 une production de boules de Noël. Avec la volonté de jeter une passerelle entre passé et présent, la réédition de modèles traditionnels se double ainsi chaque année de pièces d’exception imaginées par des designers invités à concevoir une pièce contemporaine.
La fabrication artisanale des boules de Noël, un travail d’excellence et de précision
Le façonnage de boules de Noël en verre soufflé nécessite un savoir-faire domptant différentes étapes qui aboutiront à la création de la pièce.
Lorsqu’il s’agit d’imaginer un prototype, le designer commence par ébaucher la silhouette et les dimensions de la boule.

https://ciav-meisenthal.fr/
Ce travail de conception terminé, celui de façonnage débute. Le souffleur chauffe directement à la flamme une baguette de verre jusqu’à ce que sa température atteigne environ 600°C. Il réalise alors une opération indispensable appelée le maillochage : à l’aide d’une forme en bois creux (la mailloche), il arrondi la masse de verre en fusion et la centre. Puis, tout en faisant tourner la canne qui supporte la matière, il insuffle à la bouche, d’un geste sûr et en une fraction de seconde, l’air qui donnera la forme à la boule. Ce sont enfin l’expérience et le savoir-faire du souffleur qui lui permettront de déterminer le diamètre recherché.

https://tipii-atelier.fr/
Par contre, si la pièce finale est de forme complexe, l’artisan utilisera un moule en céramique pour lui donner son aspect définitif.

https://ciav-meisenthal.fr/
Une fois la pièce terminée, l’artisan la laisse refroidir pour l’argenter et la tremper.
L’étape de l’argenture s’attache à rendre le verre opaque. La manœuvre consiste à verser une très fine couche réfléchissante, obtenue par la réduction de sels d’argent, à l’intérieur de la boule de Noël, elle-même plongée dans de l’eau chaude. La réaction produite permet le dépôt d’une fine pellicule d’argent sur la paroi interne de la boule, rendant sa surface mate et réfléchissante.
D’autres boules seront colorées en les plongeant dans un bain de couleur ou en pulvérisant sur leur surface la couleur souhaitée.
Une fois la boule parfaitement sèche, des décors peuvent être peints ou collés (paillettes, perles, plumes, …) à main levée à sa surface, avec délicatesse et dextérité.
L’ultime étape consiste enfin à couper la boule du reste du tube de verre et à lui apposer un système de suspension.

La boule ainsi finalisée viendra orner nos sapins de Noël et, dans une alchimie qui mêle sa longue histoire au savoir-faire des maîtres verriers et à l’envie de partage, participe grandement, chaque fin d’année à émerveiller le quotidien des petits et des grands.
Joyeux Noël à tous !!!

Pour aller plus loin…
Merci au Site Verrier de Meisenthal pour son chaleureux accueil et l’autorisation d’utiliser ses ressources photographiques.
Merci à l’Atelier TiPii pour m’avoir autorisée une fois de plus à utiliser les photographies de son merveilleux travail.