LA MOSAÏQUE

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  • Publication publiée :6 septembre 2020
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Art décoratif par excellence utilisé dès l’Antiquité par les plus grandes civilisations, la mosaïque se distingue certainement comme l’une des techniques les plus fascinantes qui soit. Maniée avec dextérité par des artistes d’excellence, elle est, dans de nombreuses cultures, l’alliée millénaire de l’architecture d’intérieur, enrichissant les atmosphères du sol jusqu’au plafond.

Une brève histoire de la mosaïque

Le terme mosaïque est utilisé dans toutes les langues européennes et trouve son origine dans le grec ancien et le latin.

Deux techniques vont se succéder au cours du temps :

  • L’art du pavement, utilisée du VIII ème au III ème siècle avant notre ère utilise des abacules, petits cubes de pierre qui seront collés soit directement, soit sur un enduit.
  • La mosaïque murale ou de tesselle recourt à des fragments de pierre, de terre cuite, de marbre, de pâte de verre opaque ou translucide.

 Les mosaïques mésopotamiennes

Dès 3000 avant notre ère, l’art de la mosaïque est déjà connu de la civilisation mésopotamienne. Les traces les plus anciennes d’utilisation de fragments de pierre pour produire un décor ont été retrouvées à Gordion en Asie Mineure et datent au moins au IV ème millénaire avant JC. Ces mosaïques, qui décoraient les colonnes du palais de Uruk, sont constituées de cônes de terre cuite polychromes enfoncés dans les murs de brique de façon à former un décor géométrique en pastilles colorées vernissées.

Les colonnes de Uruk

Les premières mosaïques sont conçues à partir de galets et cailloux de tons différents placés côte à côte pour revêtir les sols en formant des motifs. Les artistes utilisent également des coquillages et des pierres calcaires sur fond de lapis-lazuli qu’ils fixent avec du bitume afin d’embellir objets, murs ou colonnes.

Etendard d’Ur British Museum

La Grèce Antique

Les premiers témoignages de mosaïques retrouvés en Grèce datent du V ème siècle avant JC.  Caractérisées par des motifs figuratifs ou géométriques, ces mosaïques sont exécutées à l’aide de petits cailloux d’abord ronds et plus tard cubiques.

Ainsi, avant de devenir un art décoratif, la mosaïque grecque est utilitaire, servant de pavement dans les pièces exposées à l’humidité.

Ruines du palais Pella

Petit à petit, l’utilisation de la pierre et du verre, ainsi que la taille minutieuse des tesselles à la marteline (sorte de petit marteau) vont ouvrir de nouvelles perspectives à la mosaïque grecque : l’artiste peut affiner ses motifs, en accentuer les détails et le réalisme. Vont ainsi émerger de son travail des personnages, des animaux, des plantes, des paysages, que les fouilles archéologiques mettent au jour devant nos yeux émerveillés.

Le travail de la mosaïque est alors exécuté en trois temps par des groupes d’artistes qui chacun ont une mission bien spécifique :

Le peintre Imaginarius réalise le projet en dessinant le motif sur du papyrus

Le peintre Parietarius reporte le motif sur le sol ou les murs ;

Enfin, les équipes de Musivarius appliquent les tesselles.

Mosaïque antique; Musée historique de l’Ancienne Corinthe. Photo Ph. Halle

L’époque hellénistique (323 av JC – 30 après JC) voit se développer et se propager les techniques de mosaïque dans tout le bassin méditerranéen, ce qui explique les vestiges retrouvés en Egypte.


Gros plan des détails d’une mosaïque au sol de la Villa des oiseaux à Alexandrie, en Égypte. (© Ariadne Van Zandbergen/Alamy)


La mosaïque Romaine

Du II ème au VI ème siècle de notre ère, l’Empire Romain prospère et fait sienne la technique de la mosaïque, au point que celle de pavement est considérée comme un « ars romana » par excellence. Les artistes vont ainsi porter à son apogée l’invention grecque du maniement des tesselles de pierre colorée ou pas, d’émail, de verre ou de céramique et l’exporter dans toutes les provinces de l’Empire, dans le but de décorer entre autres les maisons patriciennes ainsi que les établissements publics et thermaux.


Mosaïque du paon; Vaison la Romaine

L’Empire Byzantin : La mosaïque au service de la Foi chrétienne

La fin de l’Empire Romain et l’avènement du Christianisme au IV ème siècle conduisent à la naissance de la mosaïque pariétale. Désormais dédiée à la représentation religieuse, à l’expression mystique et à celle du pouvoir, la mosaïque byzantine, essentiellement composée de pâte de verre, est riche en couleurs. Elle intègre des métaux précieux comme l’or et l’argent et s’expose verticalement, recouvrant les voûtes et les murs des édifices religieux. Les artistes, passés maîtres dans la disposition des tesselles qu’ils inclinent savamment, excellent à capter et amplifier la lumière, faisant ainsi vibrer les surfaces des édifices.

Mosaïque Byzantine; Sainte Sophie; Istambul

La mosaïque byzantine perdurera au travers des siècles et mènera à un nouvel art, représenté par l’école de Ravenne en Italie.

Mausolée de Galla Placidia; Ravenne

Le rayonnement de la mosaïque byzantine s’étendra également au-delà de l’Empire comme en Russie. Les techniques furent adoptées à la fois par des artistes juifs pour la décoration des synagogues et par des artistes musulmans pour celle des mosquées et des palais. Elle eut ainsi une influence considérable sur les débuts de l’art musulman et jusqu’au VIII ème siècle, avant de tomber en désuétude.

Eglise Sainte Sophie de Kiev
Dôme du Rocher; Jérusalem

De même, en Europe et avec le développement de la peinture au XIV ème siècle, le recours à la mosaïque en tant que décor monumental disparait peu à peu. Seules perdureront des panneaux de dimensions réduites, représentations religieuses portatives, réalisées avec des tesselles de taille si petite et si bien juxtaposées qu’ils pouvaient être confondus avec des peintures.

Mosaïque portative, St Georges terrassant le dragon, XIV ème, Constantinople

L’art de la mosaïque sur d’autres continents

Bien que la mosaïque ait été beaucoup moins utilisée hors du continent européen, on en retrouve des traces en Amérique du sud.

Ainsi, vingt- trois mosaïques en pierre ont- elles été mises au jour sur le site de Choqek’iraw au Pérou.

Ce centre inca, certainement édifié au cours du XVIème siècle au cœur de la Cordillère des Andes, comprend de nombreux vestiges architecturaux comme des terrasses, plate- formes, places cérémonielles, temples, etc… reliés par d’interminables escaliers. Ce site est à ce jour le seul à posséder une grande mosaïque murale.

Les motifs, d’inspiration textile, représentent des lamas, animaux sacrés des Andes et évoque l’idée d’une grande étoffe en laine qui aurait été étalée sur les hauts versants du site. Chaque animal est représenté par des dalles de schiste blanchâtre, disposées verticalement ou horizontalement, de façon à dessiner la tête, le corps et les membres du lama. Ces grands panneaux, baptisés « Les lamas du soleil », sont disposés sur 15 terrasses orientées vers le soleil couchant. Plusieurs indices laissent penser aux archéologues que les motifs représentés présentent une dimension cosmologique.

Les lamas du site de Choqek’iraw au Pérou.
Les escaliers du site de Choqek’iraw

Art Nouveau, Art Déco, le renouveau de la mosaïque

La mosaïque moderne naît au moment de la construction de l’Opéra Garnier à Paris (1862- 1874) dont le décor en mosaïque sera confié à Gian Domenico Facchina à partir de 1866.

Les mosaïques de l’Opéra Garnier à Paris

La redécouverte de cette technique, grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux et de nouveaux motifs (géométriques, floraux, etc.) va provoquer un regain d’intérêt de la part du public.

C’est ainsi que le mouvement artistique Art Nouveau qui se développe en Europe à la fin du XIXème siècle et dans le premier quart du XX ième siècle donne un nouvel élan à la mosaïque.  Multiforme et international, alliant courbes et arabesques, librement inspiré par la nature, l’Art nouveau ouvre de nouvelles perspectives à la mosaïque, l’amenant à revêtir les façades et l’intérieur des édifices, à décorer le mobilier urbain et les parcs.

Des artistes célèbres comme Antoni Gaudi à Barcelone, Gustav Klimt à Bruxelles ou Marc Chagall à la Knesset vont s’emparer de cet art, le renouveler, et créer ainsi des œuvres inégalables.

Gustav Klimt, l’arbre de vie. Palais Stoclet; Bruxelles
Antoni Gaudi; Sculpture mosaïque; Parc Guell; Barcelone, Espagne.

Le mouvement Artistique art Déco naît au lendemain de la Première Guerre mondiale, prend son plein épanouissement au cours des années 1920 avant de disparaître avec la Seconde Guerre mondiale. Il va porter l’art de la mosaïque à son sommet.

Durant cette période, la mosaïque apparaît en effet comme le matériau idéal pour les commandes publiques de bâtiments, écoles, crèches ou piscines, amplifiant sa diffusion et résistant aux modes. Un excellent exemple illustre cette apogée au travers de la remarquable piscine Saint-Georges de Rennes, réalisée en 1925 par la famille Odorico, et classée monument historique en 2016.

Piscine Saint Georges; Rennes. Photo C. Guillaume

Mais si les artistes les plus reconnus ont su tirer parti de l’art de la mosaïque et la porter vers son âge d’or contemporain, un autre créateur, fantasque et passionné a su de son côté nous livrer un héritage surprenant.

L’insolite maison Pique assiette

Demeure à l’allure fantastique, extraordinaire œuvre d’art brut, la maison Pique assiette, située à Chartres, est construite par Raymond Isidore, employé communal, qui, après l’avoir construite, commence en 1938 à décorer sa maison du sol au plafond, n’oubliant ni les murs, ni le mobilier… ni même la machine à coudre.

Il utilise comme matière première des morceaux de faïence et de porcelaine, des débris de poteries et de verre de toutes les couleurs, donnant son nom de pique assiette à ce surprenant édifice.

la maison Pique assiette; Photo Patrick Cointepoix

La mosaïque contemporaine, un art en héritage

Le métier d’artisan d’art mosaïste s’inscrit dans la « branche » de l’artisanat d’art, s’articulant entre la pratique d’un savoir-faire spécifique et une démarche créative plus libre.

Combinant à la fois savoir-faire artisanal et créativité artistique, l’artisan mosaïste peut orienter son activité dans deux directions : la restauration et la création.

La restauration des œuvres représente un travail patient, minutieux et finement dosé : lorsqu’il n’est pas possible de reconstituer complètement un motif, l’objectif du mosaïste restaurateur sera de minorer l’impact visuel des dégradations. Ainsi, il cherchera à estomper les différences chromatiques existant entre les parties de l’œuvre les plus abimées et celles qui ont été préservées, afin de respecter la matière originelle et non pas de créer un faux.

Eloïse Baro; Restauration de mosaïques, chapelle des Saintes épines, Eglise saint Mathieu; Perpignan

Dans l’activité de création, l’inventivité et l’inspiration de l’artisan d’art mosaïste sont initiées par la couleur, la fantaisie ou les formes choisies, ainsi que par les matières utilisées.

Celles- ci sont multiples et dépendent de l’approche artistique du créateur : pierre, pâte ou dalles de verre, galets, marbre, terres cuites émaillées, grès, smalt (cube de verre opaque), débris de vaisselles, faïence, coquillages, marbre, pierres semi-précieuses, mais également et pourquoi pas des matériaux moins classiques tels que des perles ou des éléments en argent ou en laiton.

Infinity 2; CréationEloïse Baro

Une large palette de techniques

L’activité de création de l’artisan d’art mosaïste combine une large palette de techniques.

En effet, le travail de création commence par la réalisation d’un dessin schématisé où l’artisan mosaïste trace des lignes de directions et des zones d’ombre qui lui serviront de repères pour la découpe de ses tesselles.

Ce plan de pose établit, il définit la gamme chromatique de sa mosaïque, avant de passer à la découpe et à la taille des tesselles à l’aide d’outils tels qu’une marteline, un tranchet ou un billot.

Cette étape essentielle est particulièrement délicate car le résultat de l’œuvre dépend en grande partie de la forme donnée à chacune des tesselles.

 Enfin, la mosaïque est fixée sur un support à l’aide d’un liant.

Pour l’artisan d’art mosaïste, une œuvre réussie est une mosaïque, qui, une fois à sa place, semble être là depuis toujours.

En tout état de cause, le mosaïste d’art, héritier d’un savoir-faire vieux de plusieurs siècles , allie son talent et son imagination à  la maîtrise parfaite du geste exécuté avec patience, pour nous offrir des créations originales, élégantes, surprenantes, mais au résultat toujours stupéfiant.

Anis et Céladon; travail en cours
Détail d’une table; Anis et Céladon

Pour aller plus loin :

La mosaïque ; Historique, idées, projets ; technique. M. Macchiavelli. Ed Celiv. 1995

http//sudmosaique.com/blog/histoire-de-la-mosaique/histoire-de-la-mosaique-suite-la-periode-romaine-1ere-partie/

https://www.catmoz.fr/histoire/mosaique-grecque

Un grand merci à Delphine Lescuyer et à Eloïse Baro pour leur accueil et l’autorisation de reproduction de leurs photos.

Pour connaître leur merveilleux travail :

http://anisetceladon.com/

https://www.eloisebaro.com/

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