La vannerie, art de tresser les fibres végétales pour réaliser des articles utilitaires ou décoratifs est une activité ancestrale au caractère universel. En plein ou clayonnée, à claire-voie, nattée, spiralée ou sur arceaux, les techniques de vannerie sont multiples. Que la pièce soit faite à partir d’osier, de rotin, de roseau ou de jonc, de châtaignier, de bambou, de raphia, de palmier, d’écorces ou de racines, sur chaque continent le savoir-faire des vanniers s’adapte aux végétaux disponibles sur place, afin de créer des objets traditionnels ou très contemporains, grâce à leur imagination et leur infinie capacité d’innovation.
La vannerie : Une longue histoire…
Tout comme la fabrication d’outils ou le modelage de l’argile, la vannerie peut être considérée comme l’une des plus anciennes industries manuelles de l’homme.
Les matières végétales utilisées n’ayant pas résisté au passage du temps, les vestiges de cette activité sont relativement rares. Cependant, quelques pièces de vannerie, conservées dans un milieu aquatique ou dans une gangue de sédiments gorgés d’eau et à l’abri de la lumière ont été retrouvées.
D’autres, ayant séjourné en lieu sec sont arrivées jusqu’à nous comme des vanneries découvertes au Proche et au Moyen Orient, datées du VIIème siècle avant JC. La tombe de Toutankhamon quant à elle recelait des coffrets de bois incrustés d’ivoire et décorés de vannerie, ainsi que des paniers et corbeilles qui ont traversé le temps en compagnie de bijoux et autres objets précieux.
Enfin, la Rome Antique nous a laissé de nombreux témoignages de l’utilisation de ce savoir-faire sous forme de sculptures ou de mosaïques représentant des récipients en vannerie, preuve que cet artisanat était déjà bien vivant à l’époque.
Les vanniers au Moyen-âge
Si l’art du tressage de végétaux remonte à la nuit des temps, le terme de vannerie apparaît au XIIIème siècle. Il dérive du mot « van », qui désigne un panier plat (généralement en osier) aux bords relevés, muni de deux anses, et dont se servaient les paysans pour séparer la paille du bon grain en les projetant en l’air par de petites secousses répétées.
Travaillant dans un premier temps de façon isolée et sans véritable statut, les vanniers s’organisent en corporation à partir du XVème siècle lorsque Louis XI reconnaît la spécificité du métier (1467), publie leurs statuts et les autorise à créer leur bannière.
Un artisanat au service du quotidien, de l’art… et de la guerre
Au XVIIIème siècle, la corporation, forte de 380 maîtres vanniers, se subdivise en plusieurs spécialités : la mandrerie qui concerne les vanniers mandriers confectionnant de grandes corbeilles tressées (mandes) en osier blanc et vert ; la faisserie qui correspond à la fabrication d’objets en osier ; la clôture, réservée aux vanniers clôturiers, seuls autorisés à produire des ouvrages plus solides avec armature bois.
De la moitié du XIXème siècle au mi-temps du XXème, la vannerie représente, avec l’agriculture, l’une des principales composantes de l’économie locale, puisqu’un français sur 1000 est alors vannier professionnel. L’industrie vannière se pratique principalement à domicile. Les vanniers travaillent à la pièce, souvent à temps partiel, comme les agriculteurs qui fabriquent des objets durant les mois d’hiver.
Durant plus d’un siècle, les centres de production de vannerie font partie de l’environnement quotidien et les objets fabriqués, légers et résistants, couvrent tous les champs de l’activité humaine : chapeaux de paille, cages à poules, paniers, corbeilles, bonbonnes protégées par un tressage d’osier, panier de pêche, berceau, meubles tressés, …
La période Art Nouveau ouvre quant à elle la porte à la création, grâce à l’utilisation par les vanniers de nouveaux matériaux comme la ficelle de papier ou le rotin.
Si la première guerre mondiale met un coup d’arrêt à l’industrie des objets usuels, de gros ateliers émergent pour répondre aux commandes de l’armée comme celles de paniers à munitions. Cette industrie s’effondre à la fin du conflit, remplacée à son tour par celle de la fabrication de mobilier qui perdurera jusqu’à la seconde guerre mondiale.
Au sortir de ce second conflit mondial, la vannerie artisanale, concurrencée par l’utilisation exponentielle des matériaux synthétiques ainsi que l’importation de pièces venues des pays asiatique disparaît progressivement.
Un métier en danger ?
Si 15000 vanniers étaient encore répertoriés en France en 1950, moins de 300 sont aujourd’hui installés sur le territoire.
Deux villages en particulier perpétuent cet art millénaire : Fayl-Billot en Haute Marne où se trouve la seule école française de vannerie et d’osiériculture, et Villaines les Rochers en Touraine où la Coopérative de Vannerie regroupe à la fois des vanniers, et des osiériculteurs vanniers qui cultivent leurs oseraies, assurant ainsi leur approvisionnement en matière première de qualité.
La vannerie contemporaine, entre artisanat et art
Le savoir- faire des artisans vanniers trouve aujourd’hui un nouveau domaine dans la vannerie d’extérieur, au travers de la création de haies, de grandes pièces décoratives ou de salons de jardin du plus bel effet.
D’autres artisans d’art s’orientent vers la création de pièces artistiques uniques ou d’objets design de haute gamme.
Enfin, la frontière entre artisanat d’art et art étant souvent bien mince, des artistes comme le britannique Andy Goldsworthy qui évolue dans le champ du Land art ont détourné le tressage des végétaux pour créer de gigantesques sculptures qui s’intègrent parfaitement aux paysages.
Ces quelques exemples montrent que les vanniers, comme tant d’autres artisans d’art contemporains ont su se réinventer, tout en perpétuant un savoir-faire hérité de leurs prédécesseurs.
L’osier pour la vannerie, le rotin pour les meubles
Lorsque l’on parle de vannerie, les matériaux qui nous viennent le plus aisément à l’esprit sont l’osier et le rotin. Cependant, les artisans vanniers utilisent bien d’autres végétaux plus ou moins souples comme le jonc, les lianes de ronce, de glycine ou de lierre, le bambou, la paille, le noisetier, le châtaignier et divers autres bois. A travers le monde sont également utilisées des espèces comme le maïs, le palmier, le bambou, le raphia, les lianes, le pandanus, …
L’osier, jeune rejet d’une année du saule, existe en autant de variétés que les 350 espèces répertoriées de cet arbre. La gamme des coloris varie du blanc crème jusqu’au noir, en passant par les nuances rose pâle et rouge acajou.
Le rotin se présente sous la forme d’un ensemble de fibres entrelacées qui s’accrochent, grâce à ses épines, aux palmiers que l’on trouve en Asie du Sud- est. Ces lianes très solides peuvent atteindre plusieurs dizaines de mètres de long.
Des savoir-faire ancestraux
Les techniques de vannerie que nous connaissons aujourd’hui sont multiples et utilisées depuis les origines de la pratique de cet artisanat. Les plus connues se nomment vannerie sur arceaux, vannerie spiralée et technique du cordé (travail basé sur la torsion ou le tressage des matières utilisées).
La vannerie sur arceaux va permettre de fabriquer des pièces comme des paniers ou des corbeilles. Contrairement à d’autres méthodes où l’ensemble du produit est construit simultanément, cette technique nécessite un montage en deux parties distinctes : l’ossature, puis le tressage. Ainsi, après avoir immergé l’osier plusieurs jours afin de l’assouplir, la première étape de confection de la pièce sera d’élaborer l’architecture du panier, c’est-à-dire son tour et son anse, que l’artisan attachera grâce à différentes techniques aux noms surprenants comme « l’œil de Dieu ». Une fois la forme du panier ébauchée, l’artisan en tresse les côtés.
La vannerie spiralée, contrairement à celle sur arceaux, est historiquement bien datée et son origine remonte à plusieurs milliers d’années. C’est une pratique universelle, connue sur tous les continents. Elle utilise des matériaux de base comme la paille et la ronce. Constituée d’un toron de paille ou d’herbes qui monte régulièrement en spirale, elle est maintenue par une couture effectuée à l’aide de ronce ou de raphia. La réalisation commence par une spirale rigoureusement plate. Les points de couture se doivent d’être les plus réguliers possibles. Le poinçon (appelé aiguille) qui prépare le passage de la ronce joue un rôle déterminant dans la réussite de l’objet, puisque la forme et l’équilibre de l’ustensile seront fonction de la position de l’aiguille et donc du savoir-faire de l’artisan.
La réalisation d’un panier
Réaliser un panier nécessite tout d’abord d’en créer le fond en formant une croix. C’est sur cette base que sera ensuite bâtie toute la structure de l’article et sur laquelle les brins de remplissage prendront appui.
Puis l’artisan fixe les montants au niveau du fond du panier. Ceux-ci, taillés en pointe, constituent la charpente sur laquelle le corps de la pièce sera érigé. Dès lors qu’ils sont piqués, ces montants sont relevés et maintenus en position verticale, déterminant la taille souhaitée de la vannerie. Cette pré forme est joliment appelée « cage à oiseau ».
Afin de renforcer la base du panier, l’artisan tresse ensuite de 4 à 6 tours d’osier par 3 brins : Ce travail, appelé « torche », sert à donner un meilleur positionnement aux montants et à renforcer la base de l’ustensile.
Suit le travail de clôture qui consiste pour l’artisan à tresser l’osier, comblant ainsi les espaces libres entre les montants.
Avant de terminer l’ouvrage, il est d’usage d’exécuter quelques tours de torche, ce qui permet de parfaire le nivelage de la clôture et de renforcer l’ouverture du panier.
Le vannier termine alors le corps du panier par une bordure réalisée en utilisant les cimes des montants qui seront entrelacés d’une façon plus ou moins complexe, donnant à chaque panier sa particularité.
La pose de l’anse se fait en deux temps : Tout d’abord, l’artisan vannier met en place un brin de gros calibre qu’il pique profondément le long des deux montants. Il garnit ensuite cette sous-anse à l’aide de grands brins fins, bien serrés les uns contre les autres, chacun d’entre eux réalisant un aller-retour en passant sous la bordure. Ce travail effectué, l’artisan fait une boucle de maintien de chaque côté de l’anse, afin de la fixer solidement au corps du panier.
Reste au vannier à effectuer la dernière étape : l’épluchage. Cette opération de finition, qui doit être très soignée, consiste à supprimer toutes les extrémités des brins qui dépassent au-delà de leur point d’appui.
Des outils basiques pour des créations remarquables
Pour travailler, le vannier manie un nombre limité d’outils, qui sont à peu près identiques à ceux utilisés depuis des siècles : Couteau, sécateur, tenailles, batte, épluchoir, …
L’artisan tranche les tiges d’osier à l’aide d’un sécateur ; la serpette lui permet de couper et de tasser les brins. Il utilise également un fendoir en bois pour diviser les baguettes d’osier en trois. L’épluchoir, muni d’une lame en acier et d’un manche en bois, représente l’outil indispensable pour couper les extrémités des brins d’osier qui dépassent à l’intérieur ou à l’extérieur de l’ouvrage. Il permet également de fendre les brins d’osier en deux parties. La batte en métal est pour sa part l’outil avec lequel le vannier tassera l’osier sur l’ouvrage. Le rôle des poinçons, dont la longueur et le diamètre varient en fonction des besoins, sera d’écarter les brins pour préparer un passage (comme pour les anses), ou de faire des trous.
Enfin, la future pièce à réaliser repose sur une sellette, sorte de support en bois sur lequel travaillera l’artisan vannier.
L’artisan d’art vannier, entre traditions et expérimentations
Qu’il fabrique des ustensiles usuels, qu’il tresse les végétaux dans la cité ou pour la décoration d’intérieur, le métier d’artisan vannier demande de solides connaissances des matières naturelles qu’il sélectionne. Vivantes, celles-ci nécessitent une manipulation méticuleuse et appellent l’artisan d’art, artiste à part entière, à faire preuve de talent, d’imagination et de créativité.
Passionné, il se doit également d’être patient. De son goût du travail bien fait, de la précision de son geste, de son habileté et de son sens artistique dépendront la réussite de son projet.
Pour tresser et façonner la matière, le vannier ne possède comme guides que ses mains et sa capacité à se projeter dans l’accessoire ou l’œuvre en devenir. Son geste et sa pratique ne détruisent par essence jamais la nature, mais donnent naissance à des créations capables de la sublimer.
Ses gestes, hérités d’un savoir-faire immémorial et de techniques traditionnelles ne sont maîtrisés qu’au bout de plusieurs années d’expérience. A ce savoir-faire doivent se greffer des dispositions telles que la persévérance, la volonté et l’assiduité. Toutes ces qualités et compétences se révèlent indispensables à la maîtrise d’un art résolument tourné vers l’avenir et qui allie le savoir-faire du tressage à des matières brutes comme le fer, le béton, la pierre, ou qui associe étroitement la vannerie à des installations lumineuses, pour créer un univers léger cherchant à détourner et à poétiser la matière.
“Je tresse pour passer le temps, comme on égrène un chapelet.
Être libre, juste ma serpette et mon sécateur, je tresse la vie au milieu des plantes…
J’invente au fil des brins d’osier, je parcours les chemins et j’investis les villes, les parcs… et… Je pars ailleurs…
Je tresse, un leitmotiv, une liberté, un engagement”.
Erik Barrey, Vannier urbain
Pour aller plus loin…
Merci pour leur autorisation à utiliser leur photographies la talentueuse photographe Julie Limont, les vannières Chantal Fouillade, Isabelle Monnier et Alexandra Ferdinande.
Vous pouvez retrouver leur merveilleux travail sur leur site:
https://www.lesateliersdisa.com/
https://www.tressages-pas-sages.com/
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