La linogravure est une technique artistique qui offre à ceux qui la pratiquent une palette infinie de possibilités créatives.
Si le processus semble simple au premier abord, le savoir-faire des artistes qui pratiquent cet art nécessite à la fois dextérité, finesse du geste et une grande dose de patience.
La linogravure, qu’est-ce c’est ?
Passionnante technique aux applications multiples, la linogravure est aujourd’hui, comme depuis sa création, largement utilisée par des artistes et créateurs de talent.
Elle consiste à utiliser une plaque de linoléum qui servira de matrice pour créer un motif. C’est un art graphique flexible utilisé tant pour créer des œuvres originales que pour produire les illustrations de livres d’art ou des estampes.
Le procédé repose sur le principe de la gravure en relief : Partant d’un dessin, l’artiste va supprimer du support sur lequel il a reporté ce dernier les parties qu’il ne souhaite pas conserver dans le motif final, laissant en relief les zones à encrer. Il creuse la matrice autour du trait de dessin, créant ainsi des tailles et des contre-tailles qui formeront des creux qui ne recevront pas d’encre. Techniquement, on parle de gravure en taille d’épargne. En ajustant la profondeur des incisions, le linograveur produit ainsi des impressions riches de multiples détails.
Mais la variété des effets obtenus dépend également d’autres facteurs comme les outils utilisés pour graver, la pression exercée lors de l’impression ou le type d’encre choisie. L’artiste qui maîtrise et exploite ces différents paramètres sera dès lors à même de créer des œuvres uniques aux textures subtiles et aux détails gradués.
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La linogravure, un art centenaire
La linogravure n’aurait peut-être pas vu le jour sans l’invention du linoléum par Frederick Walton en 1860. Cet écossais, dans la continuité de la découverte de la toile cirée au XVIIème siècle et du kamptulicon (revêtement à base de caoutchouc et de poudre de liège) au milieu du XIXeme siècle, crée un revêtement de sol à partir de composants naturels comme le pin, l’huile de lin et la poudre de liège, qu’il applique sur un support en toile de jute. Résistant, durable et abordable, le linoleum emporte immédiatement l’adhésion des particuliers, des professionnels… et des artistes.
C’est au début du XXème siècle que le graveur britannique Samuel Cousins s’empare de ce matériau révolutionnaire souple et facile à découper. Il le détourne de son utilisation première pour l’utiliser comme support pour la gravure. Des artistes de renom comme Kandinsky, Pablo Picasso ou Henri Matisse prendront la même voie, participant à rendre populaire cette technique artistique aux multiples possibilités créatives.
© Centre Pompidou
Les différents types de linogravure
La linogravure reprend les mêmes procédés et les mêmes outils que la gravure sur bois, utilisant la loi du positif et du négatif : L’artiste travaille en creusant la matière par petites touches, faisant apparaître petit à petit le ciselage souhaité. Les principales méthodes se nomment gravure en relief, gravure en creux et gravure mixte. Chacune possède ses avantages et peut se combiner avec une autre des techniques, augmentant de fait l’éventail des possibles pour produire des images toujours plus complexes.
La gravure en relief (gravure en taille d’épargne) consiste à enlever les sections inutiles de la matrice, laissant les zones gravées en relief. Le tampon ainsi créé correspond à l’image souhaitée qui sera recouverte d’encre, puis transférée sur le papier pour créer l’impression finale.
La gravure en creux ou en taille douce utilise le mécanisme inverse : Il s’agit de creuser le linoléum à l’aide de gouges ou de couteaux pour créer des images en creux plutôt qu’en relief. La gravure en creux offre un résultat intéressant car les zones gravées apparaissent comme des vides sur le linoléum.
La gravure mixte, en combinant les techniques précédentes multiplie les options. Elle ouvre des perspectives sur un travail orienté vers différentes profondeurs de gravure, de textures et de couleurs pour créer des images remarquables. La gravure mixte est souvent utilisée pour créer des illustrations délicates et tout en finesse, telles que des portraits, des paysages ou des œuvres d’art abstraites.
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Une déclinaison artistique
La linogravure offre à l’artiste des possibilités exceptionnelles, de l’impression monochrome aux compositions figuratives, en passant par des impressions polychromes. En outre, la richesse de la technique est d’autant plus grande que la possibilité d’imprimer sur différents types de supports (papier, tissu, bois) élargit les horizons créatifs de l’artiste.
Cette souplesse a permis à la linogravure d’évoluer au fil du temps et de s’adapter aux tendances artistiques des différentes époques. C’est ainsi que l’amateur ou le curieux peut découvrir dans chaque œuvre et chez chaque artiste un univers unique portant sa marque spécifique et singulière.
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Le matériel nécessaire
La plaque en linoléum est bien sûr le matériau indispensable pour la linogravure. Matière souple et facile à tailler, elle est disponible en feuilles de différentes tailles et épaisseurs. Durable, elle peut être réutilisée pour de nombreuses impressions.
Les outils de gravure sont quant à eux de plusieurs types : Les couteaux de gravure permettent de couper le linoléum et de créer des formes, les burins et les gouges servent à creuser la gomme et à retirer les sections excédentaires du linoléum afin de créer le motif souhaité. La taille et la forme des gouges varient et leur choix dépend forcément du travail à effectuer.
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Les encres et les papiers d’impression ont une importance primordiale dans le processus. Les encres, utilisées pour remplir les formes creusées dans la matière seront choisies en fonction du linoléum utilisé, du style d’impression prévu et du papier sur lequel l’impression sera transférée : Encres à base d’huile, encres à eau et encres spéciales pour les impressions en série.
La qualité des papiers est également importante, tant au niveau de leur épaisseur que de leurs qualités intrinsèques, chacun offrant des résultats différents en termes de couleur et de texture. Lorsque l’impression est prévue sur du tissu, il est recommandé d’utiliser du coton, ainsi bien sûr que des encres adaptées qui supporteront les lavages.
D’autres petits matériels comme un feutre marqueur, un rouleau encreur en caoutchouc, une presse ou une cale en bois (frotton) sont indispensables pour réaliser et imprimer le motif.
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©Le Plumarium
Les étapes de réalisation d’une linogravure
La préparation de la plaque de linoléum est une étape importante qui consiste à la nettoyer soigneusement pour éviter la présence d’éventuelles aspérités.
Suit la réalisation du dessin qui sera ensuite reporté sur la plaque de linoléum, soit à l’aide d’un feutre, soit par l’utilisation de papier calque, carbone ou papier transfert. Le dessin doit être reproduit en miroir afin que l’impression finale soit identique au projet initial.
Une fois le dessin reporté sur la plaque, le travail de la taille peut débuter. Cette étape cruciale demande concentration et précision. Elle se réalise à l’aide de gouges et/ou de couteaux affutés de différentes largeurs, qui serviront à évider progressivement certaines zones de la matrice, en fonction du motif choisi. Au fur et à mesure de l’avancée du travail de gravure, le modèle prend forme. A l’impression, le sens de gravure et la gouge utilisée seront visibles. Ces traces font partie du charme de la technique et nécessitent donc d’être prises en compte dès la conception du dessin.
Une fois la gravure terminée, l’artiste encre la plaque de linoléum à l’aide d’un rouleau en caoutchouc. La quantité d’encre appliquée ainsi que l’uniformité de l’encrage et la rapidité d’action sont indispensables à la réussite de l’œuvre finale.
Enfin arrive l’étape de l’impression qui consiste à appliquer la plaque de linoléum gravée et encrée contre le support papier ou textile. Après avoir frotté énergiquement le tampon avec le frotton ou avoir utilisé une presse à taille douce, l’artiste retire délicatement le support (papier ou tissu) avant de laisser sécher la gravure obtenue.
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La linogravure, un enthousiasme planétaire et centenaire
Si Kandinsky expérimente la technique dès 1907, d’autres artistes de renom comme le britannique Claude Flight s’approprient à leur tour ce savoir-faire. En France Matisse utilise ce procédé dans les années 1930 pour illustrer des poèmes de Mallarmé. Picasso, Braque et Léger se lancent également dans l’aventure, explorant la richesse de ses possibilités, donnant à cet art ses lettres de noblesse, tout en contribuant à populariser la technique.
Au Mexique, Leopoldo Méndez (1902-1969) fonde en 1937 un atelier établi à Mexico qui se spécialise dans la gravure sur bois et sur linoléum. Il imprime des affiches, des brochures, réalise des drapeaux en soutenant des causes telles que l’antimilitarisme, le syndicalisme ouvrier et l’opposition au fascisme. Leopoldo Méndez produira de nombreuses linogravures sur l’histoire du Mexique après la révolution, sur les luttes sociales des ouvriers et la condition d’infortune des paysans.
En Inde, des artistes adoptent la linogravure pour imprimer des tissus en reprenant des techniques ancestrales comme l’impression en bloc, traditionnellement utilisée dans la confection des saris.
Donation de Rudolph et Louise Langer
Aujourd’hui comme hier, la linogravure continue de susciter l’engouement d’artistes du monde entier aux sources d’inspirations aussi variées qu’originales. Au travers d’un travail fait de patience et de minutie certains vont même jusqu’à détourner ou adapter la technique, obtenant alors des résultats surprenants.
Des artistes comme Bernard Alligand restituent par le biais de la linogravure des sensations liées à des expériences vécues, faisant émerger chez les amateurs d’art des émotions issues de la construction habile de formes abstraites, où le contraste des couleurs fait encore davantage ressortir la majesté de l’œuvre. D’autres comme Samuel Prigent, alias Mr Smuggler, mélangent différents univers, époques et références. Liocha Berg (Lily bee créative) centre son art sur le monde animal et végétal ; Sandra Marongiu (MARON-S) est experte dans les œuvres en bleu et blanc, … Ainsi, chaque artiste, au travers de son parcours, de sa sensibilité et de son rapport au monde propose aux admirateurs de leur travail d’infinies rencontres, toutes aussi riches qu’inoubliables.
https://www.mrsmuggler.fr/
Pour aller plus loin…
Merci à Liocha , illustratrice aquarelle et linogravure pour son enseignement de la linogravure et pour le prêt de ses photographies. Vous retrouverez la richesse de son travail sur son site:
Merci à Samuel, alias Mr Smuggler d’avoir autorisé la reproduction d’une de ses créations. Merci pour le monde fantastique dans lequel ses dessins d’art et ses linogravures nous immerge. Visitez son site, vous serez éblouis
Un immense merci également à Sandra Marongiu , graphiste, dont j’ai découvert le merveilleux travail en préparant cet article. Merci pour l’envoi de ses photographies. Courez retrouver son travail sur son site: https://www.maron-s.net/
https://www.maron-s.net/
… Et aussi:
La pratique de la gravure en relief/ Olivier Dekeyser/ Ed Eyrolles; Février 2023
